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Relève et gastronomie - Le goût de la Gaspésie

2 août 2021



Relève et gastronomie - Le goût de la Gaspésie

La Gaspésie a-t-elle un goût salé d’eau de mer, la saveur corsée du nordet, l’acidité d’une talle de petits fruits, l’amertume des herbes folles ou la douceur sucrée d’un ciel nuageux ? Un peu tout ça ! Son foisonnant répertoire gourmand en témoigne, tout comme les plats de ses chefs. André Lagacé et Yannick Ouellet, deux phares du milieu de la cuisine, réfléchissent au sujet de l’art culinaire actuel de la péninsule et nous font découvrir leurs coups de coeur de la relève.


PAR MÉLANIE GAGNÉ
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Rédactrice et enseignante en francisation, elle collabore à plusieurs magazines. Elle s’intéresse à l’alimentation, à la cuisine, aime fréquenter marchés publics et cafés. Les pieds dans le fleuve depuis l’enfance, elle a de beaux souvenirs de cueillette de coquillages, de baignade et de pique-niques sur les plages de la Gaspésie. On peut la suivre sur Facebook (Mélanie Gagné, créatrice de contenu).


Pour André Lagacé, la gastronomie, c’est de bien manger. Il faut toutefois sentir le professionnalisme et la signature du chef dans son plat : « Ce n’est pas parce que tu manges du foie gras que c’est gastronomique. S’il est mal fait, il n’est pas plus gastronomique qu’un grilled cheese. Par contre, je peux manger un maudit bon grilled cheese préparé avec des fromages d’ici, du canard confit et un pain au levain. »

Et l’art culinaire gaspésien ? Il s’agit d’une cuisine qui se situe entre la tradition et la modernité, affirme M. Lagacé : « C’est une cuisine du terroir. Ça peut être une guédille préparée avec des crevettes d’ici et un pain brioché. Ce qui est fait maison de A à Z, qui est authentique et bien exécuté peut devenir gastronomique. »

En Gaspésie, on trouve encore dans les restaurants des boulettes de morue et des sauces de fruits de mer. « Ça va toujours rester, dit le chef Lagacé. Ce sont des plats traditionnels. Maintenant, les menus proposent également des plats élaborés avec des ingrédients locaux comme des champignons et des fruits sauvages, du carvi, de la livèche, du sapin baumier, du mélilot, du poivre crispé, de l’épinette, des algues, du thon gaspésien, etc. Par contre, ce qui manque présente-ment, ce sont des chefs cuisiniers de métier qui sont capables de mettre de l’avant ces produits, qui ont cette curiosité-là. » En classe, le formateur se fait un devoir de montrer à ses élèves l’importance d’être fier de son terroir et de le mettre en valeur.

La pandémie a fait réfléchir la société québécoise sur son système agroalimentaire et sur l’autonomie alimentaire. Des initiatives comme la plateforme Goûter NOUS, l’ap-plication de l’Union des producteurs agricoles Mangeons local plus que jamais ! et le Panier bleu ont vu le jour dans ce contexte, s’ajoutant à d’autres comme Manger notre Saint-Laurent, qui met en valeur les ressources animales et végétales comestibles du fleuve, de l’estuaire et du golfe. « Les gens vont vouloir consommer plus local, ils vont exiger plus de produits locaux et de produits du terroir dans les supermarchés, croit M. Lagacé. Les restaurants vont créer leur propre jardin ou acheter leurs ingrédients chez des maraîchers. Je pense que plusieurs petits maraîchers vont éclore. J’en vois autour de moi. »

CUISINE RÉGIONALE OU DU TERROIR
Le chef Yannick Ouellet parle de cuisine du terroir et de cuisine régionale lorsqu’il décrit sa Gaspésie : « La cuisine régionale, ça comprend les produits régionaux et les produits du terroir. Un produit régional, c’est un produit transformé ici, mais dont les ingrédients ne sont pas tous locaux. Pour un produit du terroir, on parle d’une connaissance propre à la région, mais il faut aussi qu’il soit rattaché au terroir, à la terre ou à la mer. Les produits de Gaspésie Sauvage sont des produits du terroir parce qu’ils sont cueillis dans la forêt gaspésienne. »

M. Ouellet est fier de l’évolution culinaire gaspésienne des 10 dernières années : « Avant, il y avait beaucoup de crêpes aux fruits de mer dans les restaurants en Gaspésie. Maintenant, il y en a encore et c’est correct, mais on trouve beaucoup de produits locaux intéressants. On n’est plus dans la carte postale gaspésienne. Tout ce qui faisait le charme de la Gaspésie est toujours là, mais le reste s’est magnifié. »

Selon le chef, les plats phares de la cuisine gaspésienne disparaissent de plus en plus : « Je suis très fier de ça parce que ça signifie que nous sommes rendus ailleurs. On a de tout, de tous les styles. Il n’y a plus de plats phares, mais tout le potentiel du Saint-Laurent est ouvert parce que les restaurateurs, Fourchette bleue, Manger notre Saint-Laurent, les clients, tout le monde travaille pour que l’on ait de plus en plus de nouvelles espèces, de nouveaux marchés, de nouvelles manières d’avoir accès aux produits. » Il se réjouit aussi de l’intérêt pour les algues qui se développe petit à petit de la part des consommateurs.

Comme son confrère André Lagacé, M. Ouellet est d’avis que la Gaspésie a un riche et inspirant terroir, des visiteurs en abondance, mais il faut que les restaurants soient prêts à accueillir tout ce beau monde : « Le défi, ce sont les ressources humaines. On doit trouver de nouvelles formules pour que les gens soient prêts à servir la clientèle. Souvent, le problème, c’est la gestion, la mobilisation, l’organisation d’équipe. Les gens n’ont pas d’expérience. Ils savent bien cuisiner, ils veulent s’ouvrir un restaurant, mais ils se rendent compte assez vite qu’ils sont embourbés. Je fais de la consultation. Depuis la pandémie, je supporte les équipes à distance. Ça fonctionne bien et ça va rester. »

RELÈVE ÉTINCELANTE
On a demandé aux deux chefs quelle cuisinière ou quel cuisinier de la péninsule brille par son talent et son utilisation des produits régionaux. Pour eux, il était difficile de ne nommer qu’une seule personne. Le chef Christophe LeBreux- Mamelonet, de la Maison du Pêcheur (Percé) – en lice pour le prix Révélation 2021 aux Lauriers de la gastronomie québécoise –, et la cheffe Elsa Roba, du Brise-Bise (Gaspé), ont été mentionnés par les deux professeurs. André Lagacé a aussi parlé du chef Christopher Dea, du Restaurant Attablé (Chandler). Yannick Ouellet a souligné le bon travail de Geneviève Paquet, de l’Auberge Château Lamontagne (Sainte-Anne-des-Monts), et du personnel de cuisine du Gîte du Mont- Albert (Sainte-Anne-des-Monts) qui doit s’adapter aux changements de chefs tout en maintenant un standard de qualité.

ANDRÉ LAGACÉ
Le chef André Lagacé est originaire de Percé. Sa feuille de route est garnie de prix, de voyages et de beaux moments passés dans les cuisines de restaurants réputés comme le Toqué ! et le Newtown. Afin d’offrir une meilleure qualité de vie à sa famille, le chef a fait un retour aux sources en 2007. Depuis, il transmet son savoir à la relève avec bonheur, en tant qu’enseignant du programme Cuisine à l’École de la restauration et du tourisme de la Gaspésie.






Yannick Ouellet
Le chef Yannick Ouellet est né à Sainte-Anne-des-Monts. Il est l’un des plus fidèles ambassadeurs des produits de la Gaspésie. Entrepreneur depuis 2003, il propose des services de consultation et de formation aux restaurateurs de même qu’aux entreprises de transformation alimentaire. Il a aussi mis sur pied une académie de cuisine pour transmettre son savoir aux foodies, puis il a créé la boutique de produits locaux Croquez la Gaspésie.

LE COUP DE COEUR DE M. LAGACÉ : PASCALE MALO, 34 ANS, GASPÉ
La pâtissière Pascale Malo est propriétaire d’un atelier de pâtisserie à Gaspé et enseignante du programme Cuisine à l’École de la restauration et du tourisme de la Gaspésie. « C’est une créative ! Elle travaille ses produits de A à Z, elle utilise des produits d’ici et de saison. C’est l’une des meilleures pâtissières de la Gaspésie ! Et je la présenterais sans gêne au Québec ! » assure M. Lagacé.

LE COUP DE COEUR DE M. OUELLET : CHRISTOPHE LEBREUX-MAMELONET, 27 ANS, PERCÉ
C’est un défi de prendre la relève d’un établissement dont l’identité est très forte, affirme M. Ouellet. Selon lui, le chef Christophe LeBreux-Mamelonet, de la Maison du Pêcheur, l’a relevé : « Il aurait pu dire : “On est dans un établissement qui fonctionne, c’est ça, les recettes qui marchent, et parce que la machine roule, on ne change rien.” De réussir à faire son nom, à réinventer la formule et que les gens soient contents, c’est remarquable. Surtout pour son âge. »

NOUS AVONS CHOISI DE VOUS FAIRE DÉCOUVRIR CETTE RELÈVE ÉTOILE PAR LE BIAIS D’UN QUESTIONNAIRE GOURMAND GASPÉSIEN.

Quel plat vous fait penser à la Gaspésie ?
PM : Une guédille aux crevettes en été.
CLM : La fameuse guédille au homard. Qu’elle soit traditionnelle ou réinventée, elle me rappelle toujours mon coin natal.

Quel produit marin aimez-vous particulièrement cuisiner ?
PM : Le kombu gaspésien en flocons, pour remplacer la fleur de sel dans un cake salin, un mille-feuille, une ganache montée au chocolat au lait, une tartinade au caramel.
CLM : Le flétan de l’Atlantique. En céviché ou grillé, ce poisson à chair blanche et délicate peut s’apprêter de différentes façons et il s’accorde parfaitement avec une sauce salée ou légèrement acidulée.

Une céréale ou une plante à découvrir ?
PM : Le sarrasin. Dans une kasha, praliné ou grillé, en farine, en grains cuits pour des salades. Sa texture est surprenante et remplace bien les noix pour des pâtisseries sans noix. J’apprécie sa profondeur aromatique.
CLM : Le chanvre. Les graines de chanvre ont une bonne teneur en fibres, en oméga-3 et un bon apport en lipides. Le goût de noisette de l’huile de chanvre est intéressant pour la création de vinaigrettes. La culture du chanvre est aussi issue d’une agriculture durable.

Un produit transformé dont vous ne pouvez plus vous passer ?
PM : Les chocolats de Chaleur B Chocolat [Carleton-sur-Mer]. C’est une révélation sur le plan gustatif, en comparaison des produits industriels et uniformisés généralement utilisés. Dany et son équipe ont une approche novatrice. Ils proposent des produits et des techniques créatives qui donnent en grande partie le choix et le contrôle qualité aux transformateurs.
CLM : Le saumon fumé. Que ce soit en apéro, en salade, sur une pizza ou dans une sauce crémeuse, [c’est un] incontournable. Fumé à chaud ou à froid, c’est un produit de grande qualité que j’apprécie énormément.

Quelle est votre plus récente découverte culinaire ?
PM : Tout ce qui est délicat, parfumé et qui se déshydrate. Je fais des poudres colorées et aromatiques. J’ai du plaisir à faire sécher le plus simplement possible toutes sortes de produits de cueillette sauvage pour en conserver les huiles essentielles ou les parfums naturels. Plutôt que de mettre un fruit pas mûr qui provient de l’autre bout du monde dans mes assiettes en hiver, je privilégie les produits séchés.
CLM : La richesse du terroir boréal. Je découvre des produits du terroir que nous pouvons utiliser pour remplacer ceux que nous importons. Exemples : les boutons de marguerite au lieu des câpres, le jus d’argousier pour les desserts au lieu du citron, l’huile de caméline au lieu de l’huile d’olive.

Quel est l’indispensable du pique-nique gaspésien ?
PM : Si c’est pour souper entre amis à la plage, un homard au brûleur avec de l’eau de mer ou des moules sur un feu de braises, c’est toujours un plaisir.
CLM : Les crevettes nordiques. En raison de leur grande fraîcheur et de leur teneur élevée en protéines. Elles se dégustent très bien cuites et décortiquées ou dans une guédille.



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