Leur vie, entre mer et montagnes
11 juillet 2024
Les personnes qui s’ancrent en Gaspésie chérissent leur quotidien avec l’horizon bleu, les plages, les montagnes et les liens qui se tissent entre les gens aussi naturellement qu’un nordet qui se lève. Alex-Émilie, Carole et Marie-Eve y ont mis au monde leurs enfants et leur entreprise, à leur grand bonheur.
Les défis sont nombreux pour les entreprises du secteur bioalimentaire, que l’on soit producteur·rice agricole ou transformateur·rice. C’est là que la richesse du milieu fait une différence. Leur vie entre la mer et les montagnes donne l’énergie à ces trois femmes de travailler fort dans un domaine qui les passionne, année après année.
Alex-Émilie Plourde-Leblanc, de la Bergerie OviRêve
ALEX-ÉMILIE, NEW RICHMOND
Alex-Émilie Plourde-Leblanc, 33 ans, est à la tête de la Bergerie OviRêve dans son patelin natal depuis 2016. Elle est aussi mère de trois enfants et éducatrice spécialisée. Pour elle, la vie en Gaspésie a toujours été une évidence: «Quand j’étais aux études en éducation spécialisée à La Pocatière et que je venais en visite ici, je pleurais chaque fois que je repartais. J’aime tout de la Gaspésie! La nature, la proximité avec les gens. C’est un avantage de se faire dire bonjour à l’épicerie! C’est important pour moi.»
La bergerie se situe dans le 4e Rang à New Richmond. Elle est voisine de la Ferme du Bovirêve, fondée par les parents d’Alex-Émilie et où travaillent deux de ses frères. Les deux entreprises partagent le projet Les Viandes du 4e Rang, qui propose localement de l’agneau, du bœuf et du porc, 100% gaspésiens.
«Le bien-être de mes animaux passe en premier. Presque toutes les brebis ont un nom. J’ai toujours eu cette sensibilité», confie Alex-Émilie. C’est d’ailleurs son amour pour les animaux qui a motivé son choix entrepreneurial. La jeune femme se réjouit d’être sa propre patronne, de faire les choses selon ses valeurs et d’être responsable de ses décisions. Elle apprécie aussi le contact avec ses client·es, qu’elle écoute beaucoup.
Alex-Émilie exerce parfois ses deux métiers à la fois puisqu’elle accueille chez OviRêve, en tant que stagiaires, des jeunes du secondaire qui vivent des difficultés. «Ça me fait triper de leur faire connaître mon métier à la ferme, de leur faire voir l’impact des décisions qu’on prend.» L’agricultrice apprécie particulièrement ce moment où elle remarque à quel point leur expérience avec elle sur le terrain les transforme positivement.
Comment arrive-t-elle à tout concilier ? «J’ai de l’aide! J’ai des beaux-parents exceptionnels qui s’occupent des enfants parce que mon conjoint a lui aussi un emploi à temps plein. Mon entourage m’aide beaucoup, mon conjoint, mes parents, ma cousine, mes amis… Sans eux, je n’y arriverais pas. L’été, mes deux garçons adorent passer du temps à la ferme. Ma fille est encore trop petite.»
Alex-Émilie a besoin de son emploi d’éducatrice pour vivre parce qu’elle n’est pas encore en mesure de se dégager un salaire avec la ferme. Elle a eu une terre à acheter. «Ce n’est pas un rêve tous les jours. Je suis en constante remise en question. Si je n’avais pas les gens, mes amis, ma famille, je ne pourrais pas y arriver. L’esprit de communauté, c’est tellement important! Le samedi, les ami·es viennent à la ferme en famille et il y a un troupeau d’enfants. J’adore ça! La meilleure façon de faire découvrir l’agriculture est par les enfants.»
Christian Beaulieu et Carole Castonguay
CAROLE, BAIE-DES-SABLES
«En face de chez moi, il y a la mer. C’est la première chose que j’aperçois le matin. Quand je ne la vois pas, je perds le nord!» lance Carole Castonguay, 55 ans, originaire de Métis, mère de quatre enfants et cofondatrice de la Fromagerie du Littoral à Baie-des-Sables. La dynamique entrepreneure et son mari, Christian Beaulieu, ont ouvert les portes de la fromagerie en 2006. «On faisait déjà notre fromage pour nous et la famille, pour usage personnel. On a de grandes familles et, à un moment donné, tout le monde en voulait!» se souvient-elle.
Carole et son amoureux ont acheté en 2000 la Ferme du Littoral, qui appartenait aux parents de Christian. C’est lui qui a eu l’idée de démarrer une fromagerie, histoire de valoriser le lait produit à la ferme et de le garder en région. Le couple a suivi une formation en fabrication de fromage en 2005 à Saint-Hyacinthe, puis s’est lancé dans les expérimentations ainsi que dans le démarrage de l’entreprise. La Fromagerie du Littoral s’est fait connaître avec son fromage fermier probiotique Rayon d’or.
Avec quatre enfants et une fromagerie, l’horaire de Carole a chaque jour été bien rempli. «Je pouvais par contre gérer mon temps en fonction des enfants. Je n’ai jamais manqué la période des devoirs.» La fromagère ajoute que l’entreprise est un projet familial: «Les enfants ont toujours été avec nous et ils nous ont continuellement donné un coup de main. Maintenant, notre fille Marielle a terminé ses études et s’en vient à la fromagerie. Elle a la fibre. Elle fonce à 100 milles à l’heure!» Carole se réjouit aussi de l’arrivée de ses trois petits-enfants dans la lignée.
Des travailleurs mexicains et une fromagère algérienne font également partie de la famille. La pénurie de main-d’œuvre constitue l’un des défis à relever. La distribution est aussi un problème parce que c’est très coûteux. L’équipe de la fromagerie a donc lancé une boutique en ligne. «Il faut être courageux, passionné, innovateur. Il n’y a rien d’insurmontable. On reste optimistes!» croit Carole Castonguay.
Marie-Eve St-Laurent, de la Pâtisserie-Boulangerie MARIE4poches
MARIE-EVE, SAINTE-ANNE-DES-MONTS
Après ses études universitaires à Chicoutimi en plein air et tourisme d’aventure, Marie-Eve St-Laurent rêvait de vivre tout près de l’eau. L’Estrienne d’origine a choisi le fleuve et Sainte-Anne-des-Monts comme toile de fond à son quotidien. Elle y vit depuis 2003. Ses trois enfants y sont nés. Elle a aussi créé dans son milieu d’adoption, avec Marie-Andrée St-Pierre, la Pâtisserie-Boulangerie MARIE4poches.
Les deux Marie avaient envie de faire leur part d’efforts pour dynamiser leur petite ville. «On voulait offrir du beau à notre communauté et rendre la gastronomie accessible. À l’époque, il y avait moins de produits fins ici. On avait envie d’aller plus loin, de travailler les produits différemment et d’intégrer des saveurs méconnues, de faire voyager les gens», raconte Marie-Eve, 43 ans, qui s’occupe de la logistique, du service à la clientèle et de trouver une solution aux divers défis chez MARIE4poches. Elle aime constater, à chaque écueil, qu’elle a la capacité de trouver des solutions à divers types de difficultés. Marie-Andrée est l’artiste derrière toutes les gourmandises offertes. La pâtisserie-boulangerie a pignon sur rue depuis 2016 en Haute-Gaspésie.
Les deux femmes ont appris à se connaître en développant leur projet. Un sentiment d’affection s’est développé entre elles. Marie-Eve confie que leur amitié est une source de motivation au quotidien.
Le passage du tourisme d’aventure à la restauration était naturel pour Marie-Eve: «Au service ou en cuisine, c’est comme une danse. On bouge beaucoup, on travaille souvent sur l’adrénaline. C’est tout sauf ennuyeux!» L’entrepreneure a fait un cours en service de restauration. Elle a toujours voulu travailler dans le domaine. À Sainte-Anne-des-Monts, Marie-Andrée et elles ont pu réaliser leur rêve. «Il y a plein de possibilités ici. Les loyers commerciaux sont moins chers. Les pairs s’entraident. On a accès à plein de conseils, on échange beaucoup avec d’autres collègues, fait-elle valoir. C’est sûr, on ne compte pas nos heures, mais on est sur notre X. Quand tu fais ce qui te plaît, tu changes la notion du travail. Tu n’exécutes plus des tâches, tu joues! Alors quand ta vie se résume à jouer entre mer et montagnes, c’est extraordinaire!»
Bien que les Marie travaillent beaucoup, leur choix de vie leur a tout de même permis de concilier travail-famille. «Nos enfants vont à l’école en face. Ils peuvent facilement venir nous voir. Le fait qu’on ait réussi à créer un pôle attractif nous permet aussi de partager notre passion avec eux.» Ceux qui ont atteint l’âge de le faire ont tous voulu travailler pour la pâtisserieboulangerie. Marie-Eve se plaît à dire que cette aventure entrepreneuriale est porteuse de sens pour les enfants: «On ne manque de rien, nous sommes riches autrement. En grandissant près de la nature, avec de l’air pur, de l’espace, de la liberté et des parents passionnés, ils vont partir confiants dans la vie.» La maman est une amoureuse de la nature et elle adore profiter de son temps libre sur la grève ou dans les montagnes.
Décidément, la beauté de la Gaspésie fait du bien à celles et ceux qui l’ont choisie. La chaleur humaine qui y règne rend aussi heureux·se.
Par Mélanie Gagné
Mélanie Gagné écrit même lorsqu’elle n’écrit pas. Que ce soit sur la grève, dans la forêt, au sommet d’une montagne ou dans un marché public, elle enregistre des inspirations, étant toujours attentive au grain des choses. Elle partage son temps entre ses rôles de maman, d’enseignante en francisation et de rédactrice. Elle rêve d’écrire un recueil de poésie ou de nouvelles.