Choucroute, kimchi, cornichons... La magie des lactofermentations
19 juillet 2022
Article rédigé par Marie-Ève Forest
Qu’ils soient faits maison ou du commerce, les légumes lactofermentés font de plus en plus d’adeptes. Est-ce en raison de la saveur que la lactofermentation leur procure ? De leurs bienfaits sur la santé ? Ou du côté pratique de leur longue conservation ? Myriam Larouche Tremblay, d’Au tour du pot – Conserverie mobile, aime avant tout « le petit goût magique » que cette méthode simple et millénaire de conservation confère aux aliments.
D’abord, qu’est-ce que la lactofermentation ? Myriam explique qu’il s’agit de l’ancêtre de la marinade qu’on connaît. « C’est une façon naturelle de mariner des aliments, qui développent leur propre acidité. On travaille avec le vivant. On favorise certaines bactéries pour qu’elles transforment le sucre en acide lactique, ce qui permet à l’aliment de s’acidifier et de se conserver. »
Les légumes lactofermentés, comme la choucroute et le kimchi, peuvent ainsi se conserver sans pasteurisation. Dans le cas des marinades, « on ajoute aussi de l’acidité avec du vinaigre, lui-même fermenté, précise-t-elle. On doit les pasteuriser pour qu’elles se conservent. Ce sont donc deux façons différentes d’acidifier un aliment pour le conserver ».
Avant tout séduite par leur goût, Myriam voit aussi plusieurs autres bons côtés aux aliments lactofermentés. « À la base, c’est vivant, nutritif, et c’est une façon naturelle de conserver les aliments. Pas besoin de chaleur; on a besoin d’espace à 20°. C’est hyper écologique en même temps ! »
Le processus
Faire des légumes lactofermentés est un processus qui requiert du temps et très peu d’ingrédients. Pour faire de la choucroute, on a simplement besoin de légumes coupés et de sel non iodé. Dans le cas du kimchi, il faut ajouter des épices. Et pour certaines fermentations, comme les cornichons, on utilise une saumure, à base de sel non iodé et d’eau.
Dans tous les cas, les ingrédients ne doivent pas être exposés à l’oxygène pendant la fermentation, qui dure de deux à trois semaines. Il faut donc les déposer dans un contenant fermé. Pendant la fermentation, on doit faire sortir le gaz carbonique une fois par jour pour éviter que le pot explose, « à moins qu’il soit muni d’un dispositif pour qu’il sorte tout seul comme un pot à clip de style Le Parfait », précise Myriam.
Bien que n’importe quel légume ou fruit puisse être lactofermenté, le chou, les carottes, les betteraves et les cornichons – qui ont la particularité d’être bien croquants – sont parmi les plus utilisés.
Saveurs et bienfaits
En plus de permettre de conserver les aliments durant une longue période, la lactofermentation génère de nouvelles saveurs. Elle augmente la valeur nutritive des aliments et les rend plus faciles à digérer grâce, entre autres, à la présence de probiotiques. Santé et goûteux, les légumes lactofermentés rehaussent donc les plats qu’ils accompagnent !
Au tour du pot – Conserverie mobile
Myriam Larouche Tremblay a fondé Au tour du pot – Conserverie mobile en 2018. « J’aimais déjà les lactofermentations et les conserves, raconte-t-elle. Je travaillais sur une ferme en Gaspésie et j’avais envie de valoriser les invendus. Et j’avais surtout envie de trouver la façon la plus simple possible de le faire. »
Selon elle, en raison des défis d’infrastructures et des coûts, c’est compliqué pour les fermes maraîchères de transformer les surplus : « La meilleure façon de valoriser les invendus et d’alléger le travail des producteurs, c’était d’avoir notre infrastructure à nous. » Elle a donc mis sur pied une conserverie mobile à l’intérieur d’un camion qui peut se rendre dans les fermes de la Baie-des-Chaleurs. Au tour du pot dessert notamment le Jardin du Village (Caplan) et plusieurs autres membres du regroupement Baie des saveurs. À présent, c’est surtout dans sa propre cour, à Saint-Alphonse, que Myriam fait ses activités de transformation à bord du camion. « C’est plus les légumes qui se déplacent que moi ! »
Surtout reconnue pour ses kimchis, Myriam commercialise aussi plusieurs autres condiments fermentés ou marinés, comme des cornichons, de la choucroute et des navets. Elle offre également des ateliers en ligne portant sur la mise en conserve.
Les Produits Tapp : une pionnière !
Avec ses choucroutes biologiques, Les Produits Tapp, lancée en 1995 à Douglastown, est l’une des entreprises pionnières de la lactofermentation au Québec. Son fondateur, Sylvain Tapp, a commencé à faire des lactofermentations pour sa consommation personnelle vers la fin des années 1980, à Montréal. « J’étais végétarien, raconte-t-il. Et j’ai connu l’agriculture biologique à cette époque-là. »
Sylvain et sa conjointe, Élaine Côté, reviennent s’établir en Gaspésie en 1989 pour produire des tomates et des concombres biologiques. « On se cherchait quelque chose pour produire à l’année, on voulait vivre de l’agriculture. Il y avait une expertise à développer en fermentation, une place à prendre dans ce créneau-là. » Sylvain a bénéficié du transfert technique d’une entreprise de lactofermentation qui fermait. Il a ainsi pu bien choisir ses équipements, qu’il a fait venir d’Allemagne.
Sa première choucroute, à base d’algues, n’a pas connu de succès. « C’était trop, à l’époque ! », mentionne-t-il en riant. Il s’est donc tourné vers un aliment plus accessible : le chou. « Je connaissais le marché à Montréal. On a commencé à vendre avec l’expo Manger Santé en 1997, avec trois caisses vendues en quatre jours ! »
Sylvain raconte qu’il a d’abord fallu démystifier les lactofermentations. « J’étais à Montréal toutes les deux semaines. Je faisais des dégustations dans des magasins spécialisés. Pas dans les chaînes, où les portes étaient fermées à double tour. » Il a ensuite visé le marché de l’Ouest canadien, qui consommait déjà des lactofermentations. Le marché gaspésien s’est développé lentement, parallèlement.
En 2007, Sylvain Tapp reçoit une belle reconnaissance de ses pairs : le prestigieux prix Renaud-Cyr, catégorie Artisan transformateur.
Aujourd’hui, Les Produits Tapp figurent parmi les plus importants producteurs de choucroute biologique au Canada. Ils proposent aussi un kimchi légèrement épicé, inspiré d’une recette traditionnelle coréenne.